L’invitée du mois n°2 : Estelle

On se connaît depuis… si longtemps qu’on ne compte plus. On n’était encore pas bien grandes à l’époque. Et le nombre d’heures qu’on a passées à discuter, refaire le monde un peu, construire nos vies surtout, et se trouver nous-mêmes petit à petit, est juste incalculable. Elle est en quelque sorte ma sœur de cœur.

Son parcours pour construire sa jolie famille n’a pas été simple, et les ressources d’accompagnement qu’elle propose à celles et ceux qui cherchent un appui, dans le domaine de la fertilité notamment, sont précieuses.

C’est pourquoi aujourd’hui j’ai invité Estelle sur ce blog, à venir parler d’elle et de ses projets.

Merci, ma sœur de cœur, de m’accueillir sur ce joli blog.

 

  • Estelle, si je te dis envie d’enfants, maternité, ça t’évoque quoi personnellement ?

Cela évoque tout à la fois une évidence, un parcours complexe pour rencontrer nos enfants et en même temps un cheminement très fécond, au-delà de ce que j’aurais pu imaginer.

Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours projetée un jour Maman, comme ma mère, mes grand-mères,… C’était une évidence pour moi, comme ça l’était pour Lui. Et Lui et moi, on se disait il y a 13 ans que l’on voulait des bébés, que l’on ferait des bébés-couette et que l’on adopterait peut-être bien un petit dernier. Tout s’annonçait parfaitement bien, « sous contrôle », pour la working girl, organisée et perfectionniste que j’étais.

Donc, j’ai arrêté la pilule et puis… rien, rien, rien, et encore rien, et toujours rien… et le vide, l’angoisse de ne pas y arriver,… et rien, rien, rien, ni bébé, ni explication médicale… débarquement en terre inconnue, que dis-je, sur une île inconnue : isolement, aucun repère, crise de vide, crise de vie, profonde remise en question existentielle, charivari émotionnel et des questionnements à n’en plus finir sur le « pourquoi » de la situation.

Alors j’ai mis en œuvre ma stratégie de survie, commencé à explorer ce territoire hostile, cette terre dont personne ne m’avait parlé – et pour cause, si je suis là, c’est que les couples de ma mère, ma grand-mère,… étaient fertiles. Convaincue que j’avais quelques fantômes dans mes placards, j’ai commencé une psychothérapie.

En même temps que nous apprivoisions, peu à peu, ce cycle infernal des émotions suscitées par les deuils répétés – tous les couples infertiles connaissent bien cela – je continuai à m’interroger, à chercher… Nous commencions à nous demander « comment » nous allions sortir de là, quels chemins nous pouvions emprunter pour rejoindre la terre ferme, évidente et connue – au moins le pensais-je alors ! – de la parentalité.

Concrètement, après les examens classiques, et un traitement de première intention, très mal supporté, nous avons décidé de nous donner du temps avant tout accompagnement médical plus poussé ; nous craignions de nous « abîmer », dans tous les sens du terme, en PMA, d’autant plus que notre infertilité semblait idiopathique, sans obstacles physiologiques identifiés.

Et nous avons engagé une procédure d’adoption très vite, car nous sentions que cela faisait partie de notre histoire.

Et j’ai lu, beaucoup ; et médité, activement ; et consulté, régulièrement, médecins, psychothérapeute, acupuncteur, ostéopathe, énergéticien,…

Et toujours rien,… enfin, si, du mieux-être, une meilleure connaissance de moi, de nouveaux projets professionnels, un parcours intense de formations ; et puis plus d’amitié pour mon corps, de reconnaissance de mes sensations ; et un couple toujours solide – même si nos stratégies de survies sont différentes ; et des relations familiales, sociales, éprouvées mais renouvelées,…

Après 3 ans, nous nous sommes décidés à faire un tour par la PMA, avec une gynécologue très à l’écoute de nos attentes : 6 IAC qui n’ont pas fonctionné, et toujours pas d’explication.

Au bout de 5 ans, alors que nous commencions à apprivoiser notre vie sans enfant et nous ouvrir à de nouvelles formes de fécondité, nous avons eu la joie de rencontrer notre fils aîné par l’adoption.

Les circonstances de sa venue ont réveillé des histoires anciennes dans nos deux familles. A travers des recherches généalogiques et une thérapie transgénérationnelle, j’ai alors saisi pourquoi l’adoption était à ce point un chemin d’évidence pour nous, à quel point elle venait s’inscrire dans nos deux arbres généalogiques qui appelaient cet enfant- là, à cette place-là… cela m’a alors emmenée sur le chemin de la lignée des utérus ; le traumatisme de femmes mortes en couche aux 4ème et 5ème générations au-dessus, transmis sur un mode inconscient par des orphelines trop jeunes pour dire leur peine, est parvenu jusqu’à moi dans une impossibilité à concevoir et inscrire une fille dans cette lignée.

Avec cette prise de conscience, l’espace d’une grossesse et la possibilité de mettre au monde une fille s’ouvraient… alors même que nous avions décidé de reprendre les examens en PMA et de nous engager dans une FIV. Après plus de 7 ans de parcours, nous nous sentions enfin et pleinement prêts pour cette démarche, conscients de ce que le corps médical pouvait nous offrir – son impressionnante technicité – et nous prenant pleinement en charge émotionnellement, psychologiquement, éthiquement dans ce processus. Nos jumeaux, un garçon et… une fille, sont nés il y a 4 ans ½.

Après des années d’attente, en 3 ans, 3 enfants sont venus bouleverser et enchanter nos vies, et nous avons réalisé que l’histoire de leur venue au monde était pour nous un trésor.

 

  • Perso/pro, les deux se rejoignent un peu chez toi, non ?

Professionnellement, quand l’infertilité s’est révélée dans nos vies, j’évoluais – et j’évolue toujours – dans le domaine de l’accompagnement du changement, collectif et individuel. Du métier de consultant en organisation et management, je suis passée tout en douceur à celui de formateur et de coach, en entreprises.

Paradoxalement, ma traversée du désert sur un plan personnel a été l’occasion d’un approfondissement de ma pratique, de mes compétences et qualités professionnelles. Elle a suscité un travail psychothérapeutique et de développement personnel en profondeur. Elle m’a aussi conduit à me former, notamment en PNL, Hypnose Ericksonienne, Systémique, Voice Dialogue,…

En même temps que se développaient mes activités de formation et coaching en entreprises, le bouche-à-oreilles a conduit à moi des particuliers, désireux d’être accompagnés dans leur vie professionnelle, leur vie sentimentale, sur des questionnements identitaires,… Ils sont tous d’une manière ou d’une autre dans l’objectif de mettre au monde leurs projets et naître à eux-mêmes.

A partir de là, il m’a semblé naturel de mettre au service des femmes et des couples qui veulent rencontrer leurs enfants mes compétences professionnelles associées à une compréhension fine de leurs émotions, de leurs questionnements, de leurs parcours.

Notre parcours, comme tous les parcours est unique et singulier. Toutefois, il m’a rendue sensible à la structure commune de toutes ces expériences. Il m’a aussi fait prendre conscience de besoins d’accompagnements auxquels j’ai à cœur de répondre, de façon professionnelle, par des formes originales.

A mes yeux ces principaux besoins sont :

      Dialoguer avec d’autres femmes, d’autres couples… et développer plus la transmission de femmes à femmes de tous âges et de toute condition, plus ou moins fertile ; en creusant un peu les parcours des dits « fertiles », on s’aperçoit que la parentalité et les chemins de fécondités sont rarement de longs fleuves tranquilles, au-delà des apparences.

      Être informé sur les approches complémentaires à la PMA qui peuvent s’avérer utiles dans un parcours de fécondité, pour avoir du choix, respecter ses besoins, le rythme et la logique de son chemin singulier, pour prendre soin de soi, tout simplement.

     Être accompagné sur les questions de fertilité par un professionnel qui puisse entendre et aborder de façon intégrative la complexité du couple et de chacun de ses membres et toutes les dimensions impliquées dans un parcours de fécondité (dimensions physiques, émotionnelles, psychologiques, relationnelles, transgénérationnelles, éthiques, spirituelles,… ) et qui sache aussi s’appuyer sur un réseau, car personne n’est omniscient ! Le désir d’enfant est multi-facettes, et accueillir un bébé avec l’aide d’un tiers (équipe médicale, don, adoption) ne suffit pas toujours à renouer avec le sentiment, vital, d’être fécond.

 

  • Comment te présenterais-tu à un couple en PMA qui ne te connais pas : comme accompagnatrice ? Coach ? Thérapeute ?

Un coach et un client m’ont plusieurs fois renvoyée à mon identité professionnelle de « sage-femme ».

Si j’osais, je dirais que j’agis comme une « accoucheuse ». Je me tiens à vos côtés, telle une accompagnatrice ; je maille – au sens de la maïeutique, je tricote et détricote avec vous… pour ouvrir des espaces intérieurs, des espaces dans la relation de couple et les relations en général, pour que la vie puisse circuler là où c’est nécessaire, pour que les matrices physiques, émotionnelles, psychologiques, transgénérationnelles qui permettent à un bébé de s’incarner et prendre place soient prêtes et en cohérence.

Le terme consacré, qui correspond le mieux à mon activité, même si je sais qu’il choque certains et qu’il est galvaudé par d’autres, c’est le métier que j’apprends et pratique depuis 15 ans, celui de coach.

Mon rôle n’est pas de soigner mais bel et bien d’offrir un espace-temps et un processus pour que ceux que j’accompagne rencontrent leur propre thérapeute, leur pouvoir de guérison intérieur. L’enjeu pour moi est que chaque membre du couple puisse se sentir totalement auteur et acteur de son projet de famille, qu’il développe et mobilise des ressources qui le mettent sur le chemin de ses enfants et de lui-même.

Pour certaines femmes, l’objectif est de renouer avec leur corps, reconnaître leurs sensations, intégrer l’espace utérin dans le schéma corporel et le stimuler ; ou encore se préparer aux actes médicaux, au transfert, et réguler le stress par apprentissage de l’auto-hypnose.

Pour d’autres c’est apaiser l’histoire personnelle, chérir l’enfant intérieur, être une mère pour elle-même. Ou encore transformer le rapport au temps, au contrôle ; apprendre à laisser être et naître; réapprivoiser et redessiner son chemin de vie, bousculé par l’infertilité.

Le travail sur la relation de couple, l’intimité, la sexualité, la place du tiers ouvre aussi des espaces féconds. Parfois, il est utile d’aller au-delà des histoires personnelles et de la dynamique de couple, et de s’intéresser à la dimension transgénérationnelle, aux programmes plus ou moins fertiles hérités de nos ancêtres.

Pour certaines personnes, l’objectif est d’intégrer les deuils successifs qui ponctuent un parcours d’infertilité. Parfois c’est une réflexion sur le miroir social, un ajustement des relations avec la famille, les amis, les cercles professionnels ; ou encore des questions sur à qui le dire, ou pas ; un plan pour se constituer un réseau de soutien efficace.

Certains couples souhaitent échanger sur leurs choix « stratégiques » en intégrant des dimensions éthiques et leur cadre spirituel : irons-nous en adoption ? ferons-nous une 5ème FIV ? ferons-nous appel au don ? accepterons-nous la congélation d’embryons ?…

Je pense que toutes ces questions, tous ces objectifs, doivent pouvoir être entendus et mis en relation dans un même espace- temps avec une personne ressource qui veille à la fois à l’unité et à l’unicité de ceux qu’elle accompagne.

Ces accompagnements vont tous dans le sens de cultiver le sentiment d’être fécond, dans tous les domaines de sa vie. La venue des enfants suit, quand c’est le chemin…

 

  • Qu’est-ce que tu peux nous dire sur tes projets en cours : Cercles de Fécondité ; enVIE féconde ?

J’ai la joie de vivre une période très féconde et le plaisir de proposer aux couples aujourd’hui ce que j’aurais aimé trouver hier sur mon chemin !

Dans le cadre l’activité 1001 chemins de fécondités, je propose des pistes de réflexion et d’action sur le blog www.1001fecondites.com.

Je pratique également les accompagnements individuels et de couple, à Paris. En fonction des besoins de ceux qui me consultent, j’intègre les multiples ressources à ma disposition et j’oriente vers un réseau de professionnels, dans une logique multidisciplinaire.

J’anime également des Cercles de Fécondité, des cercles de parole dédiés à la fécondité.
Ils
permettent de tisser des liens de femme à femme, d’apprécier et cultiver nos situations fertiles dans une approche aussi holistique que possible, en abordant tous les sujets apparaissant dans ces parcours..

Le prochain réunira des femmes, à partir du 24 octobre, à Paris. Il est temps de vous inscrire.

Suite à des demandes, un groupe constitué de couples est à l’étude, ainsi que des formules week-end, avec accompagnement à distance. A suivre…

Avec deux partenaires, Martine Depondt Gadet, médecin acupuncteur spécialiste de la fertilité, et Fabienne Goddyn, naturopathe et bloggeuse, nous venons de fonder l’association enVie féconde, pour un accompagnement multidisciplinaire de l’infertilité.

Nous organisons un cycle d’ateliers et conférences, au cours desquels des professionnels vous font découvrir des pratiques qui peuvent, selon votre sensibilité et vos besoins, vous soutenir sur votre chemin de fécondité.

Les premières sessions se dérouleront à Paris sur les thèmes Fécondité et Tao – ouvrir le « palais du bébé », Fécondité et homéopathie – le dialogue avec la nature, Fécondité et dynamiques transgénérationnelles,…

 

Je te remercie de m’avoir donné la parole. Je te souhaite, comme à toutes celles et ceux qui te lisent, un parcours fécond.

 

Pour en savoir plus :

www.1001fecondites.com

www.enviefeconde.org

www.facebook.com/enViefeconde

 

 

Cet article a été publié dans Tout et son contraire. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

7 commentaires pour L’invitée du mois n°2 : Estelle

  1. Lily dit :

    C’est une très belle histoire. Merci à toutes les deux.
    Lily.

  2. Lulu dit :

    Merci Kaymet !
    Un plaisir de (re)découvrir Estelle par le biais de ce billet.

  3. Belle interview qui permet de mieux comprendre l’implication et la ténacité d’Estelle dans l’accompagnement des couples inféconds. Un vrai bonheur de travailler ensemble.
    Bonne année féconde 2013 à vous 2 et a vos lectrices 😉
    Fabienne Goddyn d’enVie féconde…

    • Kaymet dit :

      Merci Fabienne et bienvenue par ici!
      Je te souhaite une très belle année à toi aussi, avec de jolies réussites au sein d’enVie féconde et en dehors.

  4. Ping : Désir d’enfant et infertilité – Quel accompagnement émotionnel? | unenfantpeutetre

Laisser un commentaire